Voir pour communiquer

Il est important d'évaluer très tôt les capacités visuelles à faible contraste, car la communication visuelle est primordiale chez les tout petits.

On peut utiliser le test de Heidi dès l'âge de 2 ou 3 mois puis à n'importe quel âge pour mesurer à quelle distance le nourrisson répond aux expressions faciales à différents niveaux de contraste.

Dans les pays Nordiques, les enfants sourds utilisent soit la langue des signes, soit la lecture labiale complétée par l'alphabet dactylologique soit les deux techniques. En France, on utilise la langue des signes parfois accompagnée de l'alphabet dactylologique ou le LPC, langage parlé complété, où le français parlé est accompagné de formes codées par les doigts de la main et placés près de la bouche. Il s'agit d'un code phonétique appelé en Américain le "cued speech". Dans encore malheureusement beaucoup d'endroits, les enfants ne sont pas autorisés à utiliser la langue des signes, celle-ci n'est pas enseignée aux parents, de telle sorte que le petit bébé doit apprendre à lire sur les lèvres des mots qu'il n'a jamais entendus. (Essayez vous-mêmes de parler à quelqu'un en lisant sur ses lèvres ou regardez la télévision sans le son et vous aurez une idée de l'information que vous perdez, même si vous comprenez la langue).

L'information utilisée pour communiquer est visuelle, elle est donnée par le mouvement ; or, pour apprécier les capacités de perception du mouvement, il n'existe actuellement que des tests expérimentaux. La rétinopathie pigmentaire affecte précocement la perception du mouvement, mais d'un autre côté, celle-ci semble respectée au niveau du scotome annulaire, où pourtant les stimuli les plus lumineux du Goldman ne sont pas perçus (voir plus loin pour plus de détails sur la mesure du champ visuel). On ne sait pas dans quelle mesure les altérations de la perception du mouvement peuvent affecter la lecture labiale ou le la compréhension de l'alphabet dactylologique. Si un jeune se plaint de commencer à avoir du mal à comprendre cet alphabet, il faut penser qu'il peut avoir une dégradation de sa perception du mouvement et modifier la façon de signer pour une clarté optimale.

Une bonne collaboration avec toutes les personnes impliquées permet de comprendre même le mode de communication des enfants multi-handicapés, mais pas dès le premier contact !

La communication par le biais de la vision est en général normale en primaire et au collège. Les problèmes surviennent au lycée ou chez l'adulte jeune. La plupart des patients atteints de syndrome de Usher peuvent communiquer facilement de personne à personne jusque vers la quarantaine, parfois même jusque vers l'âge de la retraite. Par contre, un scotome annulaire qui s'aggrave peut perturber la communication en groupe dès l'adolescence.

Périmétrie de Goldman à différents âges. Il y a d'abord une diminution de la taille des isoptères I/4 et III/4 (les 2 plus petits cercles de la figure A) puis il apparaît des petits îlots de sensibilité diminuée (aires hachurées).

Plus tard, il y a perte fonctionnelle en moyenne périphérie du champ visuel ; le scotome annulaire se développe et devient absolu (B). Un scotome absolu est une zone où il n'y a plus de réponse à aucun stimulus, même le plus grand et le plus brillant du périmètre.

Le scotome annulaire s'élargit jusqu'à ne laisser qu'un champ visuel tubulaire au milieu et un petit croissant de perception en périphérie temporale.

Le champ visuel peut être évalué dès la petite enfance à l'aide des boules de Sheridan, mais ce test n'est pas assez sensible pour mettre en évidence les modifications dues à une rétinite pigmentaire. En effet les modifications précoces se situent en moyenne périphérie (ni au milieu, ni en périphérie mais au niveau d'une aire circulaire située autour du champ central et d'environ 50 à 60° de diamètre). Les petits îlots de sensibilité diminuée sont difficilement mesurables avant l'âge de 4 ans ½ à 5 ans. Si l'enfant a l'occasion d'observer un enfant plus âgé à qui l'on fait un Goldman, il sera plus facile ensuite de lui apprendre comment regarder le point de fixation droit devant lui et répondre au stimulus périphérique.

On peut entraîner l'enfant à l'aide d'un stimulus lumineux clignotant placé au bout d'une longue baguette. Ce procédé est également utile pour mettre en évidence des scotomes. Mettez le clignotant, d'abord éteint à l'intérieur d'un scotome que vous avez mesuré en périmétrie, rallumez le et amenez la lumière dans la partie saine du champ visuel pour mettre en évidence de petits scotomes dont l'enfant n'a pas conscience. Il est important de lui expliquer que chacun d'entre nous a un petit scotome analogue sur chaque œil, la tache aveugle, et que nous non plus n'en avons pas conscience. Pour évaluer le champ visuel d'un enfant sourd à l'aide d'une diode clignotante placée au bout d'une baguette, il faut demander à l'interprète de servir de point de fixation afin d'éviter que la communication soit interrompue.

La périmétrie de Goldman nécessite une bonne coopération de la part d'un adulte entendant. Mesurer le champ visuel d'un enfant de 5 ou 6 ans malentendant ou sourd est extrêmement éprouvant. Il faut d'abord présenter l'appareil des deux côtés, de telle sorte que l'enfant puisse regarder au travers du petit trou de surveillance et voir l'œil de sa maman ou de sa nourrice. L'enfant peut aussi voir comment l'examinateur mobilise la lumière. Les parents peuvent être examinés sommairement, ce qui leur permettra de constater eux-mêmes la difficulté de l'examen. Ainsi, ils seront plus en mesure d'apprécier la performance de leur enfant et d'interpréter les résultats.

Il faut, pour réaliser cet examen chez un enfant sourd, être aidé d'un interprète ayant l'expérience de la périmétrie et de la communication avec les enfants sourds. En l'absence d'interprète, on peut faire appel à un des enseignants. Dans cas, pour que l'interprétation reste fiable, il faut souvent faire d'abord l'examen à l'enseignant lui-même. Pour un test aussi difficile, il ne faut pas faire appel aux parents. Enfin, comme, à partir du moment où l'enfant aura mis la tête sur la mentonnière, il n'y aura plus de communication possible, je dis en général à l'enfant que je lui donnerais une tape sur le genou au cas où il perdrait la fixation. Ceci l'aide à maintenir une fixation stable. Lorsqu'il s'agit d'un enfant entendant, il faut lui redire de regarder le point de fixation chaque fois qu'il s'en écarte. Le premier examen est plus un entraînement qu'un véritable examen. Au deuxième examen, on doit avoir une mesure fiable du champ visuel au moins pour un œil, et au troisième pour le deuxième œil. Entre 5 et 8 ans, les plus grands isoptères sont légèrement déplacés en dehors puis ils restent stables pendant plusieurs années. Cette "amélioration" est seulement le reflet d'une meilleure coopération.

Le temps que l'on peut consacrer à la périmétrie de Goldman est limité. Dès que l'enfant commence à s'ennuyer, les seuils se mettent à varier. Il est donc sage de se limiter aux isoptères IV/4 et I/4. Si la distance entre ces deux isoptères est plus importante que la normale, c'est qu'il y a perte de sensibilité en moyenne périphérie. Cette perte de sensibilité peut entraîner des problèmes de perception du mouvement, rendant certaines activités, comme les jeux de balle, difficiles, mais pas toujours : un de nos meilleurs gardiens de but avait un authentique scotome annulaire.

 

La campimétrie de Damato permet la mesure du champ visuel central lorsqu'on ne dispose pas du coûteux périmètre de Goldman. Avec le campimètre de Damato, nous pouvons mesurer le champ visuel central et le bord interne du scotome annulaire dès qu'il commence à se développer.

Le campimètre de Damato peut être utilisé dès l'âge de 5 ans. Peu d'enfants de cet âge lisent les nombres avec suffisamment de facilité pour que l'on puisse s'en servir comme point de fixation. On utilisera donc une tige avec un anneau au bout pour maintenir la fixation sur le nombre souhaité. On commencera l'examen par quelques points centraux, puis on mesurera la tache aveugle. Si on y parvient, on pourra aussi mettre en évidence d'autres scotomes.

Le champ visuel peut aussi être mesuré par la technique de confrontation : l'examinateur se place derrière le sujet et amène la main en avant en remuant les doigts ; il peut aussi utiliser une boule blanche ou un point blanc sur fond gris comme stimulus. On note l'endroit où le sujet perçoit le stimulus. Quand le trouble rétinien s'aggrave en moyenne périphérie, les îlots de diminution de sensibilité deviennent confluents et forment un anneau autour du champ visuel central. Un scotome relatif peut devenir absolu aux basses luminances, le champ visuel rétrécit alors brutalement quand l'enfant pénètre dans un endroit peu éclairé. Actuellement, nous ne disposons pas de techniques standardisées pour mesure le champ visuel scotopique, bien que les périmètres de Goldman permettent théoriquement des mesures à des niveaux de luminance faible.

Lors de l'examen du champ visuel ou de toute autre fonction visuelle chez un enfant atteint de rétinopathie pigmentaire, il faut s'assurer avant de commencer l'examen que l'enfant ne vient pas d'être exposé à une lumière vive. S'il fait très beau à l'extérieur le jour de l'examen, l'acuité visuelle, la sensibilité au contraste, et encore plus le champ visuel, seront moins bons que par mauvais temps.

La mesure du champ visuel au périmètre de Goldman fait partie de l'examen clinique, l'enseignant ou le thérapeute peut y entraîner l'enfant. Mais lorsque le champ visuel d'un adolescent est réduit au point d'être devenu tubulaire, c'est à chaque enseignant ou thérapeute qu'il appartient d'apprécier le champ visuel utile pour la communication, et ce, que l'enfant soit dans une école de sourds ou dans l'enseignement intégré. On le mesure de la façon suivante.

  • utilisez le mode de communication habituel à une distance de 1.5 à 2 mètres
  • demandez à l'enfant de regarder votre visage
  • Demandez-lui s'il voit la main que vous approchez de l'extérieur

Etendez le bras puis rapprochez la main de votre corps jusqu'à ce que l'enfant la voie. A ce moment là, si vous communiquez avec un enfant sourd, touchez votre épaule : cela vous donnera une référence tactile pour signer. Puis faites la même chose en mettant la main de l'autre côté, puis en haut et en bas. Vous déterminez ainsi l'espace utilisable pour signer. Cet espace est le champ visuel de communication de l'enfant à une distance et un niveau de luminance donnés.

Lorsque la distance augmente, le champ visuel de communication est plus grand. De près, le champ de communication se diminue.

Le champ visuel de communication d'un patient qui a une vision tubulaire s'élargit à plus grande distance. Mais comme la netteté diminue en même temps, la distance de communication optimale est un compromis entre le champ visuel et la possibilité de voir les détails. D'après Hyvärinen L, Gimble L, Sorri M, Assessment of Vision and Hearing of Deaf-Blind Persons. Royal Victorian Institute for the Blind, Burwood Educational Series, Burwood 1990.

Tout enfant sourd devrait être capable de dire à ses interprètes à quelle distance ils doivent se tenir pour qu'il puisse distinguer correctement les signes. Si les adultes, enseignants, thérapeutes et parents pensent à lui demander où ils doivent se placer, l'enfant s'habituera à une communication par signes optimale et sera capable de l'exiger de ses interprètes.

Les enfants sourds ont, de plus, des besoins particuliers en matière de communication : ils ont besoin d'un entraînement précoce au langage écrit. Dans beaucoup de pays ces besoins ne sont pas bien compris. Or, lorsque, vers la quarantaine, la communication par signes n'est plus possible, le patient ne peut apprendre le Braille que s'il sait lire et écrire. Il nous faut donc, dès que possible, encourager l'acquisition de l'écriture.


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