4. Perte précoce de la vision due à la rubéole ou à un syndrome, chez les enfants entendants et malentendants.Ce qui rend ce groupe d'enfants totalement différent du groupe des Usher, est l'existence de la double déficience sensorielle dès la naissance. Les problèmes de communication sont présents dès la première année, à un âge où ils affectent gravement le développement de l'enfant dans tous les domaines. Il est essentiel d'évaluer dès que possible les capacités visuelles de ces enfants. Les examens doivent être répétés à intervalles réguliers afin de guider le personnel soignant, les thérapeutes et les parents. Les possibilités visuelles résiduelles doivent en effet être utilisées de façon optimale comme les autres modes de communication et d'éducation. Nous considérons souvent ces enfants comme gravement atteints sur le plan cérébral mais un certain nombre d'entre eux ont un développement cérébral normal en dépit d'un déficit sensoriel sévère. Il est important de NE PAS poser le diagnostic de retard de développement tant qu'il n'y a pas de possibilité de communication. La communication fonctionne dans les deux sens : le plus handicapé des deux est souvent l'adulte. Les anomalies les plus fréquentes sont la microphtalmie (œil plus petit que la normale), les colobomes (absence d'une partie) de la rétine, de l'iris et/ou du nerf optique, la cataracte dont il existe plusieurs formes, les opacités cornéennes et les anomalies de structure de la totalité de la chambre antérieure. Pour comprendre ces malformations, un bref résumé du développement du globe oculaire est nécessaire.
r = rétine, v = vésicule cristallinienne, cp = chambre postérieure, ca = chambre antérieure. Au début de son développement embryonnaire, le globe oculaire apparaît comme une structure en forme de doigt à la surface du tube neural chez un embryon de 4 mm de long. Une indentation se forme à l'extrémité de cette extension, puis elle devient asymétrique et s'invagine sur le côté qui sera ultérieurement la partie inférieure de l'œil. Des vaisseaux pénètrent par cette invagination dans la structure en forme de cupule qui formera la rétine (r). Les vaisseaux ne pénètrent pas encore dans la rétine elle-même mais dans le tissu qui remplit la cupule. Ils disparaissent par la suite quand le gel vitréen se forme dans la chambre postérieure (cp). Des vestiges de ces vaisseaux sont parfois visibles sur le disque optique dans un œil normal. Normalement, l'invagination à travers laquelle le pédicule vasculaire pénètre dans l'œil se referme. Il arrive qu'elle ne se referme pas, soit au niveau de la chambre antérieure, soit au niveau de la chambre postérieure, soit aux deux. Un défaut de fermeture dans la partie frontale de l'œil est responsable d'un manque de substance dans la partie inférieure de la rétine et de la choroïde, appelé colobome. Il s'y associe souvent un manque de substance dans la partie inférieure de l'iris à l'origine d'une pupille en forme de "trou de serrure". Si le défaut de fermeture touche la partie postérieure de l'œil, le colobome touche la rétine et peut s'étendre vers le nerf optique. Dans ce cas la papille est remplacée par une dépression en forme d'entonnoir. Comme le colobome est situé dans la partie inférieure de l'œil, le déficit correspondant du champ visuel se trouve dans sa partie supérieure. En même temps que la rétine se développe à la partie postérieure de l'œil, son extrémité antérieure induit le développement du cristallin. Il s'agit d'abord d'une vésicule (v) formée d'une seule couche de cellules. Puis les cellules situées à la partie postérieure de sa surface commencent à se développer sous forme de fibres cristalliniennes organisées de façon dense et régulière. En avant du cristallin, le tissu subit un clivage qui aboutit à la formation de la chambre antérieure et de la cornée puis du tissu irien se développe entre le cristallin et la cornée. C'est le moment où se forment également le corps ciliaire et l'angle iridocornéen
Le développement de la chambre antérieure peut être perturbé à différents stades, et les malformations intéresser des structures différentes. Le cristallin peut rester accolé à la cornée. Il peut y avoir des opacités cristalliniennes diverses, l'iris peut être totalement absent (aniridie) ou incomplet. La pupille peut ne pas être en place ou avoir une forme inhabituelle. Au niveau de l'angle iridocornéen, les structures en forme de tamis au travers lesquelles s'écoulent les fluides intraoculaires peuvent ne pas se développer, entraînant un glaucome. La cornée peut avoir un diamètre inférieur à la normale (micro cornée). L'œil lui-même peut être plus petit que la normale (microphtalmie). Un œil microphtalme peut être à peu près fonctionnel, mais il présente souvent d'importantes anomalies de réfraction, des opacités cornéennes ou cristalliniennes, et des modifications colobomateuses de la rétine et du nerf optique. Ces malformations sont une cause importante de déficience visuelle ; il est donc important d'en avoir une description, si possible sous forme de schéma. Un schéma permet en effet de comprendre le retentissement des malformations anatomiques sur la fonction visuelle. Il est également important de savoir s'il existe une hypoplasie du nerf optique, c'est à dire si le nerf optique est plus petit que la normale. Les enfants atteints de colobome ont souvent d'importantes anomalies de réfraction et donc besoin de lunettes. Les enfants atteints de microphtalmie peuvent aussi avoir d'importantes amétropies. Les enfants prématurés qui ont un colobome peuvent avoir aussi une rétinopathie du prématuré et une atteinte des voies visuelles consécutive à une leucomalacie péri ventriculaire (maladie de la substance blanche qui entoure les ventricules cérébraux). Comme les voies oculomotrices se trouvent à proximité de ces ventricules, ces enfants peuvent avoir des problèmes oculomoteurs évidents, mais parfois aussi des déficits oculomoteurs si minimes qu'ils ne sont dépistés que par un examen neuro-ophtalmologique approfondi. Il sera pourtant utile d'en avoir connaissance pour planifier les activités sportives ou physiques en général. La déficience et le handicap auditif, les problèmes de communication sont aussi variés que la déficience et le handicap visuel. Il est essentiel de se familiariser avec les moyens et le niveau de communication de l'enfant quand on commence à évaluer la fonction visuelle. Au cours de l'examen, la possibilité d'amputation du champ visuel supérieur chez les enfants atteints de colobome doit être présente à l'esprit, et l'évaluation de ce champ visuel doit faire partie des premiers examens réalisés. Puis il faut apprécier les possibilités de communication visuelle à l'aide du test de Heidi. L'examen est fait d'abord à la distance habituelle de communication ; on peut ensuite rapidement le contraste auquel l'enfant voit le visage de Heidi en fonction de la distance. En matière de communication avec des enfants à la fois déficients auditifs et atteints de colobomes, on peut appliquer les mêmes règles que pour les Usher, mais il faut éviter de signer en hauteur ou demander à l'enfant de regarder vers le haut avant de commencer. Dès que la communication est établie, la mesure de l'acuité visuelle, de l'acuité de lecture, de la sensibilité au contraste et de la vision des couleurs devient facile. Les difficultés d'adaptation à l'obscurité sont rares mais doivent être recherchées par un examen en ambiance photopique et mésopique. Les mesures du champ visuel peuvent être faites en périmétrie, campimétrie ou par des techniques de confrontation en fonction du niveau de communication de l'enfant. Si l'enfant a une mauvaise sensibilité au contraste, les expressions faciales peuvent apparaître si floues que leur signification échappe à l'enfant. Le jeu des expressions de Heidi peut être utilisé pour faire prendre conscience à l'enfant de la structure des différentes expressions. Il peut être combiné à une exploration tactile des expressions du visage et à des dessins. Quand l'enfant a étudié ces expressions sur les palettes à fort contraste, on peut utiliser les palettes moins contrastées pour l'entraîner à prêter attention aux informations faiblement contrastées. Si l'enfant se sert d'un appareil auditif, nous devons savoir dans quelle mesure il en maîtrise l'usage - ou s'il le débranche la plupart du temps. Lorsque nous nous adressons à un enfant déficient auditif, nous devons penser à faire attention au microphone, au rythme et à la vitesse à laquelle nous parlons et à notre vocabulaire, en même temps que nous nous assurons de la qualité de l'information visuelle. Les besoins des enfants atteints d'une double déficience visuelle sont si individuels que la communication de groupe est le plus souvent épuisante et compliquée. Leur intégration dans des classes normales est un défi. En matière d'enseignement, il faut toujours avoir un retour sur ce que l'enfant a vu et entendu pendant ses cours. Il faut soigneusement vérifier le contenu de l'information que l'enfant a reçue. Il peut en effet n'avoir pas saisi un mot clé et compris de façon erronée une partie importante du cours. L'évaluation des capacités de l'enfant à reconnaître les voix et les expressions du visage doit faire partie de l'examen visuel (et même en réalité de l'évaluation de la communication). Les difficultés à percevoir les voix sont variables ; la prononciation est très importante, de même que la visibilité des mouvements des lèvres. Il faut proscrire la moustache trop longue et les colifichets éblouissants. Un crayon marron peut être utilisé même par les enseignants ou thérapeutes mâles pour accentuer le dessin des lèvres et faciliter la lecture labiale. Il faut leur démontrer l'importance de l'information qui échappe à l'enfant lorsqu'il ne perçoit pas les expressions du visage. On peut ainsi les motiver à utiliser du maquillage ou un crayon de contraste pour permettre à l'enfant de saisir ces expressions. Il faut tenir compte, pendant la rééducation et l'enseignement, des autres troubles dont ces enfants sont souvent atteints, troubles de la déglutition, troubles intestinaux, cardiaques etc. Face à tant d'anomalies, il est essentiel de trouver les points forts de l'enfant afin de l'aider à développer une image positive de lui-même. Du fait de la multiplication des problèmes médicaux, des consultations médicales répétées sont souvent nécessaires aussi bien à l'âge préscolaire que scolaire. Elles entraînent, chez l'enfant et ses parents une tension nerveuse importante. Il faut essayer de les grouper afin de leur éviter de perdre des heures à attendre. Avec l'aide des enseignants, il faut également faire en sorte que la participation de l'enfant aux différentes activités scolaires en souffre le moins possible. En consultation d'ophtalmologie, il faut s'enquérir de la façon dont l'enfant utilise sa vision à l'école, pendant ses activités extrascolaires, s'intéresser à ses problèmes, le faire parler de ce qui l'inquiète. Il ne faut pas se limiter à la pathologie de l'œil droit ou de l'œil gauche mais penser aussi à la fonction qui est la leur. Les yeux font partie intégrante de la tête d'un enfant, qui lui-même appartient à une famille et à un groupe d'autres enfants, eux-mêmes appartenant à la société où nous vivons !!! |