5. Handicap visuel associé à un handicap mental

La déficience visuelle de ce groupe d'enfants est due à une atteinte des voies visuelles antérieures, globe oculaire ou nerf optique, qui modifie la qualité de l'image, mais l'utilisation de l'information visuelle à un étage supérieur est normale. Nous évoquerons au chapitre 7 le cas des enfants dont les fonctions visuelles supérieures sont perturbées.

La trisomie 21 est la cause la plus fréquente de déficience intellectuelle associée à des anomalies des voies visuelles antérieures.

Si le retard de développement est modéré, il n'affecte pas vraiment l'examen. Les techniques doivent s'adapter aux possibilités de communication et aux capacités cognitives de l'enfant : on choisira donc les tests destinés aux très jeunes enfants.

Il faut souvent plusieurs semaines ou mois d'entraînement à l'école ou en hôpital de jour avant de pouvoir faire un examen dans les règles. Nous commençons généralement par des exercices simples comme bouger un doigt le long d'une ligne droite. Comme l'acquisition des concepts " pareil" et "différent" fait partie des programmes d'enseignement standard et est basée sur les associations de couleurs et de forme, on peut utiliser en classe les couleurs et les formes destinées à l'examen ophtalmologique afin d'y préparer l'enfant. On observera l'enfant lorsqu'il joue pour apprécier son champ visuel, mais on pourra aussi essayer de faire un examen par confrontation en le présentant comme un jeu.

Il existe un certain nombre d'anomalies ophtalmologiques que l'on retrouve plus spécifiquement associées à certaines pathologies. Par exemple, beaucoup d'enfants trisomiques ont un strabisme qui nécessite un traitement précoce. Ils ont souvent aussi des difficultés d'accommodation. Dans beaucoup de pays, traditionnellement, on ne traite pas l'insuffisance d'accommodation chez le nourrisson et le petit enfant, et l'on traite le strabisme tardivement chez les enfants handicapés mentaux. En fait, il faut évaluer soigneusement l'acuité visuelle de loin et de près, l'acuité de près étant la plus importante pour les acquisitions. Si l'enfant accommode mal, l'acuité est moins bonne de près que de loin et il a besoin de lunettes pour voir de près.

Lorsque l'on mesure l'acuité visuelle, on s'aperçoit parfois que l'enfant trisomique a une bonne acuité linéaire de près mais ne répond pas à trois mètres. Il faut alors mesurer l'acuité à 3 mètres à l'aide de symboles séparés. Un tel résultat démontre clairement à l'enseignant que l'enfant n'est pas capable de s'intéresser à des mots ou à toute information groupée au tableau, mais peut comprendre ces mêmes mots lorsqu'on les lui présente de près.

Des opacités cristalliniennes ou des modifications de la réfraction peuvent survenir à tout âge chez les trisomiques. Un examen ophtalmologique est donc nécessaire au début de chaque année scolaire.

Le port de lunettes est souvent un problème. Les raisons en sont variables. Si l'on corrige en totalité une myopie forte, le changement spectaculaire de la taille des objets et des distances, ainsi que la modification de la qualité de l'image peut être trop important pour être acceptable. La correction de la myopie n'a pas besoin d'être totale (une sous-correction favorise la vision de près). Pour la même raison, l'hypermétropie peut être surcorrigée d'une ou deux dioptries, parfois plus si la sphère cognitive de l'enfant est limitée. Il est important, dans ce cas, de noter quand l'enfant commence à enlever ses lunettes : cela peut être du à un élargissement de sa sphère cognitive et nécessiter le port de verres bifocaux.

La correction d'un astigmatisme peut entraîner une déformation des lignes et pour cette raison n'être pas acceptée ; dans ce cas une souscorrection est nécessaire au moins au début.

Il est parfois plus facile de faire porter d'abord des lunettes sans verres pour habituer l'enfant à la monture. Mais comme c'est souvent le cas en médecine, les problèmes de lunettes sont individuels : certains enfants acceptent mieux une correction sphérique ou astigmate totale d'emblée. Donc quand ils ont une réaction de rejet, nous devons nous demander "pourquoi".

Lors des cours destinés aux éducateurs spécialisés en basse vision, on peut faire la démonstration de l'effet induit par de fortes corrections de myopie ou d'hypermétropie : on met la correction opposée en lentilles puis on corrige l'amétropie induite par des lunettes ; l'adulte préfère l'image floue à une image nette mais déformée et ne porte pas les lunettes. Des réactions identiques de la part des enfants ne sont donc pas étonnantes : il faut souvent préférer une correction progressive à une correction totale d'emblée.

Un certain nombre d'enfants handicapés mentaux et myopes utilisent l'effet de "trou sténopéique" pour obtenir une image nette : ils tournent la tête et regardent dans le petit trou créé par le bord de la pupille et l'angle palpébral. Un petit trou ou trou sténopéique compense effectivement les anomalies de réfraction et donne une image assez nette pour s'orienter. L'enfant myope localise ainsi l'objet puis s'en rapproche assez pour le voir net. Les lunettes sont alors souvent inutiles ou ne sont nécessaires qu'à l'extérieur. Ce phénomène est particulièrement fréquent chez les enfants atteints d'un syndrome de Cornelia de Lange.

Lorsque l'on corrige les anomalies de réfraction, il faut avoir à l'esprit la sphère visuelle fonctionnelle et y adapter la correction : une correction de loin n'est nécessaire que lorsque la sphère visuelle de l'enfant commence à inclure les objets situés au loin.

Les montures des lunettes que portent les enfants handicapés mentaux sont souvent de mauvaise qualité, trop grandes et mal adaptées : or le port de verres trop larges est à l'origine de déformations de l'image périphérique ; des lunettes trop lourdes glissent sur le nez de l'enfant ; la fonction visuelle est alors perturbée surtout en ce qui concerne l'orientation et les déplacements dans l'espace.

Lorsque l'enfant refuse les lunettes, toutes les tâches qu'on lui propose doivent être accomplies à une distance où il voit correctement.


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